L’INGÉNIERIE À LA CROISÉE DES CHEMINS

28 février 2008 Ingénierie

Ce n’est un secret pour personne que la concurrence à faible coût d’outre-mer, les prix sans cesse croissants de l’énergie et la puissance soutenue du dollar canadien ont mis à jour plusieurs faiblesses dans le secteur manufacturier canadien. Les entreprises subissent une pression plus importante que jamais pour augmenter leur efficacité et optimiser leur production. Les beaux jours sont terminés et il est temps pour les entreprises de prendre conscience qu’elles ne peuvent plus compter sur les mises à pied pour freiner les pertes.

En 2007, 132 000 travailleurs canadiens ont perdu leur emploi dans l’industrie manufacturière. C’est plus du double des pertes d’emploi de l’année précédente, soit 59 000 emplois perdus en 2006.

Durant des années, nous avons ignoré l’augmentation de la concurrence venant d’outre-mer et tiré parti du taux d’échange favorable pour l’exportation de produits en dollars américains. Ceci a entraîné un certain degré de complaisance et nous a donné peu de raisons d’améliorer les faibles niveaux de productivité.

QUEL EST LE LIEN AVEC L’INGÉNIERIE?
Compte tenu du nouveau contexte commercial, les ingénieurs doivent maintenant jouer un rôle plus actif en termes de stratégies de réduction des coûts. Ils doivent également adopter un point de vue qui tienne davantage compte des impératifs commerciaux de l’entreprise. À titre de responsables du design, les ingénieurs doivent atteindre un équilibre entre la qualité, les caractéristiques commerciales et le prix. Ils doivent toutefois également être conscients des façons dont la simplicité de fabrication et d’assemblage contributient à la réduction des coûts.

Plutôt que de s’en tenir à une stratégie de réduction des prix et de sacrifier les marges pour faire concurrencer aux compétiteurs à faible coût, les entreprises devraient concentrer leurs efforts sur la diminution des coûts à l’interne en simplifiant le développement de produits, la fabrication et l’approvisionnement, ce qui leur permettrait de réduire leurs prix sans sacrifier leurs marges de profit.

On ne peut plus affirmer aujourd’hui que tout repose sur le design, mais plutôt sur la façon dont le design prend forme par rapport à son impact sur l’ensemble de l’organisation. L’Ingénierie ne peut cependant y arriver seule. Elle doit avoir l’appui d’une équipe dirigeante qui encourage activement l’amélioration constante et les initiatives de réduction des coûts, de la conception initiale jusqu’au produit final.

POURQUOI LES INGÉNIEURS D’AUJOURD’HUI DEVRAIENT-ILS ÊTRE PLUS DYNAMIQUES EN AMONT DU PROCESSUS ET COLLABORER PLUS ÉTROITEMENT AVEC LES SERVICES D’APPROVISIONNEMENT ET DE PRODUCTION POUR AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET DIMINUER LES COÛTS?

Le but de toute entreprise est d’accélérer le développement des nouveaux produits (amener les produits sur le marché plus rapidement), minimiser les temps morts, réduire les délais de production et maintenir un stock rentable. Les processus innovateurs et la collaboration entre l’Ingénierie, la Fabrication et l’Approvisionnement sont essentiels à l’atteinte de ces objectifs. Une partie du succès repose sur le fait de minimiser les faiblesses du design dès l’étape du prototype et de les résoudre avant de passer en mode de production à grande échelle. Une autre partie repose sur une bonne compréhension de l’impact sur la fabrication et l’approvisionnement des révisions apportées au design.

L’entreprise American Motors Corporation (AMC) a été l’une des premières à adopter cette approche. Après des années de déclin des ventes au cours des années 1970, AMC devait relever le défi de la concurrence face à des compétiteurs beaucoup plus importants et solides. Au début des années 1980, AMC a mis sur pied un processus intitulé Gestion du cycle de vie des produits (GCVP). C’est en utilisant cette approche qu’AMC a introduit sur le marché le Jeep Cherokee et plus tard le Jeep Grand Cherokee, qui ont lancé le marché des véhicules utilitaires sport (VUS). Le système eu un tel succès qu’après l’achat d’AMC par Chrysler en 1987, cette dernière mis le système en pratique partout dans l’organisation. Cette initiative lui a permis de devenir le fabricant ayant les plus faibles coûts, ses coûts de développement étant deux fois moins importants que la moyenne de l’industrie durant cette période.

La Gestion du cycle de vie des produits est une approche à l’interne, centrée sur le développement de produits et sur une consignation appropriée des changements d’ingénierie au sein d’une base de données commune. Le GCVP a été à l’origine des logiciels de conception assistée par ordinateur (CAO), qui ont permis aux ingénieurs d’apporter des modifications immédiates aux designs. Avant l’arrive de la CAO, ces changements coûtaient très cher car il fallait les faire à la main en grande partie et cela prenait plus de temps.

Le GCVP est une approche spécifique à l’entreprise et non simplement une solution identique pour tous. L’idée de base est d’avoir un système en place qui assure la consignation et l’évaluation de tous les changements d’ingénierie, ainsi que les améliorations au design et à la fabrication. Le GCVP est une boucle de rétroaction continuelle. Le Service de fabrication renseigne l’Ingénierie sur les délais de production et d’assemblage. L’Ingénierie renseigne le Service d’approvisionnement sur les changements potentiels aux pièces et matériaux et sur l’impact que ces changements auront sur les stocks actuels.

COLLABORER PLUS ÉTROITEMENT AVEC LA FABRICATION ET L’APPROVISIONNEMENT

Les délais de fabrication et d’assemblage sont largement déterminés par le design d’un produit. Faire affaires avec des fournisseurs qui offrent des délais rapides sur les matériaux et les pièces est essentiel, car cela contribue à réduire le coût des stocks et à améliorer les délais de mise en marché des produits. L’Ingénierie peut jouer un rôle vital pour ces deux éléments en fournissant au Service d’approvisionnement une liste de fournisseurs privilégiés et en participant davantage aux discussions concernant la façon dont le produit final sera fabriqué et assemblé.

Pour y arriver, les entreprises peuvent se servir d’un avis de modification technique (AMT) comme moyen d’initier et de consigner les changements. Ces avis permettent aux ingénieurs de modifier les processus et les directives pour la production et l’assemblage, de revoir les enjeux liés à la qualité et de diminuer les temps morts et les produits rejetés.

On peut aussi utiliser les AMT pour réduire le fardeau financier associé aux pièces inutilisées ou obsolètes en stock. Une situation qui, comme nous l’avons démontré dans notre article précédent, Comprendre le coût réel des stocks, peut s’avérer très onéreuse. Il s’agit de consigner les matériaux et pièces actuellement en stock et que l’on peut encore utiliser avant de mettre en place des modifications au design. On peut ensuite aviser le Service d’approvisionnement et les fournisseurs appropriés de la nécessité de changer la pièce pour les commandes futures.

Si votre fournisseur utilise une entente hybride de type « commande permanente/méthode kanban », dont nous avons parlé dans l’article précédent, il sera déjà prêt à vous faire parvenir des matériaux et pièces. Votre entreprise a tout intérêt à s’assurer que les modifications au design correspondent aux périodes futures de réassortiment des stocks. Vous ne désirez certainement pas que votre fournisseur vous envoie des pièces que vous ne pouvez utiliser, et vous ne pouvez vous attendre à ce qu’il soit responsable de changements qui rendent votre stock inutilisable.

On ne devrait jamais incorporer de nouvelles pièces ou matériaux découlant de modifications à un design avant de tenir compte en premier lieu de ce que cela signifie pour votre stock actuel et celui de vos fournisseurs, particulièrement s’ils ont des unités produites et prêtes à vous être envoyées. Vous devriez également savoir avec quelle rapidité votre fournisseur peut réagir à la nouvelle demande initiée par votre avis de modification technique. Le fait de consigner les avis dans le cadre du principe de Gestion du cycle de vie des produits (GCVP) permet d’éviter les problèmes liés aux développements de produits à venir, à la gestion des stocks et à la fabrication. En consignant adéquatement les résolutions de problèmes et les mesure de réduction des coûts, le désir de continuer à diminuer les coûts devrait se répandre dans toute votre organisation.

Il arrive fréquemment que le Service d’approvisionnement se fie largement à l’Ingénierie pour obtenir une liste de fournisseurs approuvés. Sans cela, l’Approvisionnement se retrouve avec peu de ressources où s’approvisionner et presque aucun critère concurrentiel sur lequel baser ses décisions d’achat. Le prix ne devrait jamais constituer le seul critère déterminant dans une décision d’achat. Il va sans dire que la qualité, le service, les compétences techniques et la rapidité de réaction générale ont une importance égale.

Aujourd’hui, les ingénieurs doivent collaborer plus étroitement avec l’Approvisionnement pour identifier les fournisseurs qui ne se distinguent pas seulement par leur prix. Identifier les fournisseurs dont les prix sont concurrentiels et dont les produits permettent un assemblage simplifié et des délais de production moins importants permettra des économies importantes. Les fournisseurs qui ont la volonté d’investir le temps nécessaire pour devenir un partenaire actif dans la résolution de problèmes de design représentent une ressource inestimable pour les sytèmes de Gestion du cycle de vie des produits. Le but est de favoriser des partenariats stratégiques avec les fournisseurs qui comprennent tous les aspects de votre organisation et qui désirent trouver des solutions et en ont la capacité.

Le Service d’approvisionnement doit également comprendre que les fournisseurs qui font des efforts dès le départ pour trouver des solutions rentables ne devraient jamais être sacrifiés pour obtenir un prix plus bas par opposition aux soumissions d’autres fournisseurs. Le magasinage de prix diffère grandement de la négociation de prix. Des soumissions concurrentielles sont essentielles pour prendre des décisions d’achat et permettent de s’assurer que la tarification des fournisseurs actuels demeure compétitive.

Avoir plus d’un point de repère en matière de tarification est essentiel. Cependant, pourquoi récompenser les fournisseurs peu enclins à faire leurs devoirs et punir ceux qui font le travail? Préférez-vous faire affaires avec celui qui se contente d’offrir le prix recherché une fois les critères resserrés, ou celui qui va au-delà des exigences de prix et offre une valeur ajoutée avec une solution complète?

Se mettre à dos un fournisseur qui offre une solution complète en faveur d’un autre qui accepte de baisser son prix forcera éventuellement le fournisseur qui offre un service complet à vous laisser tomber. Au bout du compte, votre entreprise en souffrira, puisqu’un bon fournisseur qui peut vous aider à minimiser vos risques de problèmes de production est beaucoup plus difficile à remplacer qu’un fournisseur qui perçoit les ventes comme une simple question de transaction. Les vendeurs qui participent activement à diminuer les délais de production sont toujours préférables à ceux qui offrent un prix plus bas et qui sont axés sur la transaction uniquement. Ceux-là pourraient bien vous servir aujourd’hui, mais disparaître demain.

« Payer trop cher n’est pas judicieux, mais payer trop peu est encore pire; vous perdez parfois sur toute la ligne, car ce que vous avez acheté ne remplit pas ses promesses. En affaires, une des lois fondamentales en matière d’équilibre établit qu’on ne peut s’attendre à payer peu et obtenir beaucoup de façon constante; c’est impossible. Si vous faites affaires avec le plus bas soummissionnaire, vous seriez avisé de prévoir des sommes additionnelles pour parer au risque plus grand de faire face à problèmes. Et si vous faites cela, vous aurez suffisamment de ressources pour acquérir quelque chose de mieux dès le départ. »

– John Ruskin (1819-1900) Writer and lecturer on social and political economy

Les ingénieurs qui ne se préoccupent que de design peuvent parfois être perçus comme étant indifférents aux besoins globaux de l’entreprise. Entre-temps, les ingénieurs qui prennent toute la responsabilité de leur design et travaillent en collaboration avec la Fabrication et l’Approvisionnement peuvent être perçus comme étant trop interventionnistes, puisqu’ils participent à des discussions qui ne sont pas considérées de leur ressort par certains collègues. Toutefois, ce sont ces ingénieurs qui sont essentiels à la réussite de l’entreprise, compte tenu de la réalité qui confronte aujourd’hui les fabricants canadiens. Les dirigeants doivent reconnaître la contribution des ingénieurs à la diminution des coûts et l’amélioration de la productivité.

La clé de la réussite consiste à amener les Services d’ingénierie, d’approvisionnement et de production à collaborer étroitement. Cette collaboration, ainsi que la consignation des changements, contribue au développement des nouveaux produits, élimine les problèmes de fabrication et tient compte de l’impact sur les stocks. Parmi les autres avantages, soulignons des délais de développement plus rapides, des coûts de fabrication moins élevés, des temps morts moins importants et surtout, une meilleure cohésion et rapidité de réaction parmi l’ensemble des Services.

À PROPOS DE VICONE
Chez Vicone, la conception, la production et l’optimisation de pièces de caoutchouc sur mesure sont notre plus grande force. Établis depuis 2004, nous aidons nos clients du concept à la production de masse.

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